Pour les cabinets qui ont fait le choix de conserver la production des paies et le suivi du social, le besoin de disposer de professionnels spécialisés est manifeste. Comment ces collaborateurs paie trouvent-ils leur place dans une équipe de comptables ? Qu’est-ce qui les sépare, qu’est-ce qui les rapproche ? Comment une planification partagée et collaborative permet-elle de fédérer ces populations différentes ? La place du social et des collaborateurs paie dans un cabinet comptable d’aujourd’hui.
L’arrivée de la DSN a entraîné des changements majeurs dans l’activité des gestionnaires de paie. Moindre nombre de déclarations, rythmée sur le cycle de paie, sécurisation quant au respect des obligations sociales - ce n’est pas un hasard si 82% des entreprises se déclarent satisfaites de la DSN[1].
Avant sa généralisation, il fallait établir une N4DS. La charge de travail correspondante représentait « pratiquement un treizième mois de travail en janvier de l'année suivante », témoigne Patrick Bordas, Associé, Directeur National de la Gestion Sociale chez KPMG[2]. Avec la DSN, les bulletins de paie et les déclarations sont justes tous les mois, et le travail est réparti de manière plus linéaire dans l’année ».
Pour autant, le social est loin d’être un long fleuve tranquille. Entre autres nouveautés en 2019 il a fallu gérer le prélèvement à la source, les primes « gilets jaunes », le retour des heures supplémentaires non imposables… La complexification croissante du droit social a fait de la gestion de la paie un métier à part entière.
La mission sociale, une affaire de spécialistes
La gestion de la paie est devenue l’affaire d’équipes et de collaborateurs dédiés et spécialisés. « Historiquement, le gestionnaire de paie était un comptable qui gérait aussi les bulletins et les déclarations sociales de ses mandats, rappelle Thierry Kalpac, expert-comptable à Marseille. Par la suite, nous avons eu besoin de collaborateurs de plus en plus pointus du point de vue règlementaire, et compétents pour répondre aux questions du chef d’entreprise. » Car il ne s’agit plus seulement de gérer les fiches de paie et de calculer un SDTC, mais également des conventions collectives, des embauches, des contrats de travail, des accidents du travail et de leur prévention, des éventuels Prudhommes… Autant de missions qu’il faudra réussir à valoriser… et à facturer.
Ce qui ne fera pas oublier le coup de stress à la fin du mois ! Pas le droit à l’erreur : c’est la confiance qui se joue à chaque bulletin de paie. « Il vaut mieux avoir des spécialistes de la paie à ses côtés », souligne Delphine Loyseau, expert-comptable à Lille. « Il faut de sérieuses connaissances en social, mais aussi en gestion des ressources humaines, avec un diplôme de gestionnaire de paie, confirme Thierry Kalpac.
Un recrutement difficile
Le métier de la paie souffre d’une réelle pénurie de talents. Un constat partagé avec ses collègues comptables… 97% des répondants à l’étude Fed Finance font état de difficultés à recruter les candidats dont ils ont besoin[3] !
A noter qu’avec 31-39 K€/an en Ile-de-France 24/35 K€ ailleurs pour une expérience de 2 ans et plus) - le collaborateur paie est plutôt moins payé que son collègue comptable (32-45 K€/an en Ile-de-France, 22/37 K€ en régions), d’après la même enquête.
Mais il ne suffit pas de le trouver, il faut encore le garder ! Si à l’embauche c’est d’abord la rémunération qui fait la différence, quand il s’agit de fidéliser, c’est l’ambiance de travail qui constitue, et de loin, la raison principale pour un collaborateur de rester en poste (75%, suivie de la reconnaissance de la hiérarchie). Un élément à prendre en compte dans son mode de management, mais aussi dans le choix des outils de travail.
Ceux qui font le choix de l’internalisation
Ce n’est pas un secret : le poste social représente la part la plus significative du contentieux avec les clients des cabinets. Cette dimension, combinée aux difficultés à trouver des collaborateurs qualifiés pour une rémunération juste, a conduit certains cabinets à faire le choix de l’externalisation.
Ce n’a pas été la décision de Delphine Loyseau : « La paie et le social en cabinet, c’est important. Oui, une erreur de bulletin c’est immédiatement plus sensible qu’une erreur comptable. Pour autant, il s’agit souvent du point d’entrée d’un nouveau client, ou un élément clé de sa fidélité ».
Ce que confirme son confrère : « Faire les bulletins permet de garder un contact mensuel avec les entreprises, de rester informé de ce qu’il s’y passe. Cette relation récurrente crée du lien, mais peut aussi générer d’autres missions. Pour nous, le cabinet c’est le premier interlocuteur du chef d’entreprise. Recrutement, organisation, licenciements… : le social fait partie de ses problématiques numéro 1. Si je me sépare de cet aspect, je m’enlève une partie de mon rôle et perds mon statut d’interlocuteur privilégié. »
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